Les brumes de Sari.

[La question: Comment Sari reste t-elle une junkie dans un monde post –apocalyptique ?]

Absent absent, ô doublement absent, ton profil qui ombre les pyramides .L.S Senghor

Chère maman,

c’est à la lueur d’une bougie et sur une page déchirée que je t’écris. Tu n’es plus de ce monde pour me l’entendre te dire , mais où que tu sois, je t’aime.

Lorsque j’étais petite, j’avais peur du noir et tu me chantais des berceuses pour me rassurer.

Puis j’ai grandi, je suis allée à l’école, et tu me récitais des Haïku pour que je garde le sourire malgré l’absence de mon père.

A l’âge de 14 ans, j’essayais de chanter à mon tour et tu ne m’écoutais plus. Je n’avais pas compris avec quelle ferveur tu t’acharnais à me faire vivre, en te laissant de côté. Et j’ai su.

Tu sais, mes amis de l’école m’avaient proposé de gouter des petites pilules roses, j’ai refusé au début ; mais lorsqu’ils m’ont dit qu’avec ça je n’aurais jamais de soucis, alors j’ai accepté. Les doses qu’ils me faisaient prendre n’étaient pas énormes au début ; je devais leur rester fidèle et être la petite souris qui pouvait aisément donner le signal en cas de problème. Et puis je n’avais pas le choix, je n’étais pas totalement nippone après tout .Au bout d’un certain temps je résistais aux petites prises, il m’en fallait plus et toujours plus pour anesthésier complètement mon cerveau et ce de manière efficace. C’était la seule façon dont ils disposaient pour abuser de moi en sûreté.

Mais ne t’inquiètes pas Maman, ils n’ont jamais eu le temps de le faire, parce qu’ils sont morts en même temps que toi.

Le poison faisait effet en permanence dans mon sang, et je ne pouvais, ni ne peux encore aujourd’hui, pallier au manque. Oui , j’étais la réserve du clan !Tu n’étais presque plus à la maison donc la meilleure planque… c’était moi.

Mais il fallait que j’entretienne mes rations correctement, et de nos jours, c’est le parcours du combattant ! Et il à fallu aller à Kabukicho, le quartier où tu voulais tant aller …c’est rempli de vieux dévergondés mafieux, ça pue et il y à de grandes chances de choper une maladie juste en respirant l’air. Mais je suis contente, là bas au moins je m’y suis fait une réputation, pas grand-chose bien sur, mais de quoi éviter d’aller du coté du Repère. Je peux t’assurer que le manque d’héroïne fait un drôle d’effet ; tu sais ce type là, le caïd du groupe il avait pas voulu me donner mon paquet, et il à commencé à… (je te déconseille de communiquer avec des limaces là où t’habites). Alors j’ai pris sa tête, et je lui ai sectionné une oreille d’un coup d’incisive…, Toujours sous l’effet du manque je lui ai arraché ses bijoux de famille .

Non ,c’est une plaisanterie !je te rassure ! je n’ai jamais fait de telles choses, ou du moins je n’en ai pas le souvenir. Bref maintenant ils ont tous l’air de se tenir à carreau, mais j’avoue ne pas comprendre.

Et puis j’ai appris à grandir comme j’ai pu, j’ai essayé de devenir femme et tu n’étais, encore pas là. Mais bon je ne vais pas t’en vouloir, parce que pour une fois , tu n’as pas fait exprès.

Ta Sari.

PS : Dis moi de là où tu es tu n’aurais pas une dentifrice d’Enfer? J’ai un arrière gout métallique dans la bouche et je n’arrive pas à m’en débarrasser, c’est très gênant ! et aussi des taches bizarroïdes sur un petit haut craquant, (que j’avais piqué à un macchabé ) …Pas de savon ? Juste un paquet de chips ?... non ça ira. Merci.